Actualité Détaillée
LA MESSE D’ACTION DE GRACE ET DE FIN DE MISSION Samedi 23 novembre 2024
HOMELIE DU CARDIAL JEAN PIERRE KUTWÃ ARCHEVEQUE EMERITE D’ABIDJAN
Pr 31, 10-31 / Mt.25, 14-30
Chant : Dieu tout puissant, quand mon cœur considère
Tout l’univers créé par Ton pouvoir ;
Le ciel d’azur, les éclairs, le tonnerre,
Le clair matin ou les ombres du soir,
De tout mon être, alors, s’élève un chant :
Dieu tout puissant, que tu es grand !
De tout mon être, alors, s’élève un chant :
Dieu tout puissant, que tu es grand !
Excellence Monseigneur Ignace Bessi DOGBO, Archevêque métropolitain d’Abidjan,
Distinguées autorités,
Chers prêtres, Religieux et Religieuses,
Chers membres du Forum des confessions religieuses,
Chers frères et sœurs dans le Christ,
Si tant est que la reconnaissance à Dieu est source de bénédictions, je voudrais en ce jour, avec vous, et du plus profond de mon cœur, rendre grâce à Dieu dont la puissance élève les faibles et les humbles et disperse les orgueilleux ! En effet, Dieu comme toujours, sait mieux que nous, écrire notre histoire et il faut avoir la sagesse de s’en remettre toujours à Lui !
En 1997, le tragique accident de la circulation dont j’ai été victime ne présageait rien de bon pour ma survie, selon les prévisions des hommes. Alité pendant plusieurs mois, brisé au propre tout comme au figuré, Dieu a fait de moi un miraculé, pour reprendre le titre d’un ouvrage que l’on a écrit sur moi ! Vraiment, les bontés du Seigneur pour moi ont largement dépassé mes espérances !
Chant : Je parlerai de ta bonté, de ta fidélité. Je dirai tout haut, tout haut, tout haut, ce que Tu as fait pour moi, je proclamerai la gloire de ton nom !
Comment ne pas proclamer la gloire du nom de Dieu, quand je sais que mon histoire personnelle, s’est écrite comme Lui l’a voulu jusqu’à ce jour du 20 mai 2024, où notre Saint père le pape François, a enfin daigné donner une suite favorable à ma demande de me retirer de mes fonctions à la tête de l’Archidiocèse d’Abidjan.
En rendant grâce à Dieu à l’occasion de cette messe d’action de grâce et de fin de mission officielle à la tête de l’Archidiocèse d’Abidjan, je voudrais d’abord demander humblement pardon à tous ceux que j’aurais offensé volontairement ou involontairement ! Ensuite, qu’il me soit permis de dire, avec une joie indicible, un sincère merci à chacun de vous qui avez rendu l’aventure possible : prêtres, religieux et religieuses, fidèles laïcs du Christ, enfants, jeunes et adultes ! Vous avez été tout au long de mon ministère épiscopal à la tête de l’Archidiocèse d’Abidjan, autant de chemins vers Dieu qui a bien voulu m’associer à l’unique sacerdoce de son Fils Jésus-Christ !
Frères et sœurs,
Ce chemin vers Dieu, c’est celui que chacun de nous doit découvrir et emprunter chaque jour un peu plus, comme nous l’enseigne d’une certaine manière, la page de l’évangile de ce jour à travers la parabole des talents. En effet, le temps de l’absence du Maître partit en voyage, sans en préciser ni le lieu, ni la durée, correspond à celui de la responsabilité des serviteurs que nous sommes ! C’est le temps où l’humanité est comme mise à l’épreuve, et nous n’avons pas le droit de nous désister, car en fait c’est une grande marque de confiance que de mettre entre nos mains, les talents dont nous sommes pourvus, et pour reprendre les mots de l’Evangile, ‘‘chacun selon ses capacités’’ !
Oui, cette absence, c’est le temps où la vie humaine se déroule sous le signe d’un Dieu qui paraît absent pour donner toute l’initiative à ses créatures que nous sommes. Cela témoigne d’une immense confiance et d’un profond respect de la part de Dieu envers nous, toutes choses qui appellent de notre part une réponse adéquate en retour.
Dans l’évangile, l’attitude du troisième serviteur est le prototype même de ce que nous devons éviter. En effet, le reproche que l’on peut lui faire à ce serviteur, c’est d’avoir eu peur et finalement, de méconnaître son Maître. Il y a ici comme un malentendu entre eux : alors que le Maître Lui fait confiance et Lui confie une partie de ses biens, ce serviteur en retour a peur, se méfie et juge : ‘‘Seigneur, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain. J’ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t’appartient !’’
Quant à l’attitude du Maître, elle est à comprendre comme la main tendue afin de nous associer à ses affaires ! C’est à nous de le rendre présent désormais au monde et à nos frères et sœurs. Voulons-nous que la paix revienne dans notre pays ? Alors soyons le Christ, là où se joue la justice des hommes. Voulons-nous une jeunesse acquise aux valeurs morales de probité, alors chrétiens, soyons le Christ là où se jouent leur éducation. Voulons-nous d’une économie dont les fruits participent au bien-être de tous et non d’un groupe de copains ? Alors soyons le Christ sous les apparences de ceux qui ont le pouvoir de décider et d’influencer positivement les programmes économiques.
C’est à nous tous, évêques, prêtres, religieux et religieuses, fidèles laïcs du Christ, qu’il appartient de faire en sorte que nous revenions à des valeurs plus évangéliques ! C’est là notre responsabilité à tous, et pour cela, un mandat nous est donné, par l’absence du Maître ! Il nous faut nous bouger pour faire bouger les lignes ! Sachons-le, à l’image du serviteur paresseux, nous ne serons pas condamnés pour avoir refusé de servir Dieu ou parce que nous sommes paresseux, mais bien parce que trop souvent, nous nous faisons une idée complètement inverse de ce qu’Il est en réalité.
Et comme disait le Pape François, ‘‘notre vie se réalise et s’accomplit quand nous découvrons qui nous sommes, quelles sont nos qualités, dans quel domaine nous pouvons les mettre à profit, quelle route nous pouvons parcourir pour devenir signe et instrument d’amour, d’accueil, de beauté et de paix, dans les contextes où nous vivons.’’ Fin de citation. Message à l’occasion de la 61ème journée mondiale de prière pour les vocations.
Alors, n’ayons plus peur et osons, car le Christ est avec nous, hier comme aujourd’hui !
Chant : Christ est avec moi, je n’ai plus peur…
Chers confrères prêtres, bien chers fils,
Depuis l’installation de Monseigneur Ignace Bessi DOGBO sur le siège de notre Archidiocèse d’Abidjan, à qui je dis un sincère merci pour sa sollicitude à mon endroit, c’est une nouvelle aventure qui commence pour vous, une aventure que je voudrais prophétiser belle et fructueuse à tous égards, pour le bien de notre Eglise et pour le bonheur de vos fidèles ! Je rappelle les propos que j’ai tenu à la messe de son installation : ‘‘chaque recommencement est une opportunité, une possibilité d’exprimer le meilleur de Dieu en nous. C’est ainsi que je vois l’aventure avec lui, pour une Église synodale, qui a décidé de se prendre en main et d’être protagoniste des actions qui changent les choses !’’ Fin de citation.
Au moment de mon départ, je voudrais partager avec vous, les convictions qui sont les miennes quant à votre vie et votre ministère de prêtres ! Répondre à la confiance du Maître, c’est comprendre que de plus en plus, votre façon de vivre comme prêtres, est toute aussi importante que tout ce que vous faites en tant que prêtres. En ce sens, votre ministère ne se définira pas d’abord par une série de tâches spécifiques à accomplir mais, par le signe du Christ Pasteur, porté par des hommes au sein de communautés vers lesquelles ils sont envoyés. A ce titre, vous devez exister à partir de Jésus et trouver en Lui, le centre de gravité de votre ministère et de votre vie de prêtre.
Les défis qui nous attendent sont tels que désormais, il faut vous réarmer moralement et spirituellement. Je prie pour que vous compreniez que le service de la prière devra toujours être plus important que celui des tables. Je vous exhorte à prendre du temps pour prier afin d’être témoin de l’essentiel dans le service de vos frères et sœurs, sans oublier qu’être pleinement présents et rayonner en peu d’endroit, est plus important que de vouloir être partout en hâte et à moitié. En effet, plutôt qu’une quantité de prestations à assurer, veillez à une certaine qualité de présence, une présence qui fait naître une Eglise qui repose sur la responsabilité de tous les baptisés.
Depuis ma retraite, je vous assure mes prières afin votre ministère ressemble à celui des deux premiers serviteurs qui ont cru à la confiance qui leur a été faite et qui ont su faire fructifier leurs talents ! J’insiste pour faire remarquer que les talents ont été confiés et non cédés. Cela appelle de vous d’êtres imaginatifs, de prendre des initiatives ! Dieu saura les rendre fructueuses !
Chères femmes de l’Archidiocèse d’Abidjan,
La première lecture que nous avons entendue et qui parle de la femme vaillante, est le prétexte que je me donne pour m’adresser à vous. Dans cette lecture, on constate que la préoccupation constante de la femme de valeur, c’est de faire le bonheur de la maisonnée. Elle trouve même le temps de venir en aide aux pauvres. Par ailleurs, si l’auteur omet de parler de l’amour conjugal et du fait de donner la vie, c’est pour insister sur le fait que la beauté de cette femme réside dans le fait qu’elle honore et respecte le Seigneur !
C’est l’adage qui dit que ce que femme veut, Dieu veut ! Je voudrais reprendre pour vous, une partie du message du Concile Vatican II à votre égard. Je cite : ‘‘Mais l’heure vient, l’heure est venue, où la vocation de la femme s’accomplit en plénitude, l’heure où la femme acquiert dans la cité une influence, un rayonnement, un pouvoir jamais atteints jusqu’ici. C’est pourquoi, en ce moment où l’humanité connaît une si profonde mutation, les femmes imprégnées de l’esprit de l’Evangile peuvent tant pour aider l’humanité à ne pas déchoir… Notre technique risque de devenir inhumaine. Réconciliez les hommes avec la vie. Et surtout veillez, nous vous en supplions, sur l’avenir de notre espèce. Retenez la main de l’homme qui, dans un moment de folie, tenterait de détruire la civilisation humaine. Epouses, mères de famille, premières éducatrices du genre humain dans le secret des foyers, transmettez à vos fils et à vos filles les traditions de vos pères, en même temps que vous les préparerez à l’insondable avenir….
Et vous aussi, femmes solitaires, sachez bien que vous pouvez accomplir toute votre vocation de dévouement. La société vous appelle de toutes parts. Et les familles même ne peuvent vivre sans le secours de ceux qui n’ont pas de famille. Vous surtout, vierges consacrées, dans un monde où l’égoïsme et la recherche du plaisir voudraient faire la loi, soyez les gardiennes de la pureté, du désintéressement, de la piété… Femmes dans l’épreuve, enfin, qui vous tenez toutes droites sous la croix à l’image de Marie, vous qui, si souvent dans l’histoire, avez donné aux hommes la force de lutter jusqu’au bout, de témoigner jusqu’au martyre, aidez-les encore une fois à garder l’audace des grandes entreprises, en même temps que la patience et le sens des humbles commencements.
Femmes, ô vous qui savez rendre la vérité douce, tendre, accessible, attachez-vous à faire pénétrer l’esprit de [l’Evangile] dans les institutions, les écoles, les foyers, dans la vie de chaque jour.’’ Fin de citation.
En agissant ainsi, vous rendrez un grand service à notre pays, alors que les élections de 2025 se profilent à l’horizon et commencent déjà à cristalliser les attentions ! Ensemble, avec notre Archevêque et vos prêtres, nos ferons des merveilles, parce que Dieu nous aime.
Chant : Merveille, Dieu nous aime…
Excellence,
Distinguées autorités,
Chers prêtres, Religieux et Religieuses,
Chers membres du Forum des confessions religieuses,
Chers frères et sœurs dans le Christ,
Je termine par là où je vous avais laissé le 3 août dernier, à l’occasion de la messe d’installation de Monseigneur Ignace Bessi DOGBO. Retenez bien que je parle de moi-même ! ‘‘ Il faut savoir partir ! … En effet, lorsque l’on a épuisé son utilité, la joyeuse acceptation de son inutilité est un service grandiose !... Les éternels permanents finissent toujours par agacer et l’amour se transforme en haine ! Il faut donc savoir partir !’’ Oui je pars, mais je me réjouis pour le Seigneur, j’élève son nom !
Chant : Min né yaya sé Hwanté, min hon min hin djéto, min tchè sè apassa ognin, Hwanté brè non li Adominiga, alépè mankè (2)
Que Dieu vous prenne tous en grâce et vous bénisse ! Qu’Il fasse luire pour vous son visage ! Qu’Il vous affermisse et vous garde précieusement ! Je vous confie à la bienveillante intercession de Saint Paul et de la bienheureuse Vierge Marie !
+ Jean Pierre Cardinal KUTWÃ,
Archevêque Emérite d’Abidjan